Dans le monde de la chasse, le collier de dressage, équipé de fonctions de stimulation électrique, est un outil fréquemment utilisé pour le contrôle et la gestion des chiens.
Certains considèrent ces dispositifs comme des outils essentiels permettant de maintenir la sécurité et l'efficacité sur le terrain.
Cependant, à mesure que la recherche sur le comportement animal progresse et que le bien-être animal devient une préoccupation majeure, les pratiques évoluent, et l’usage de ces colliers fait l’objet d’un débat de plus en plus vif.
Je suis Carolle Sayagh, fervente militante contre l'utilisation des colliers dits "de dressage" et présidente du Mouvement Francophone des professionnels de l'Education du Chien de compagnie (MFEC) qui promeut l'utilisation des méthodes positives et amicales. Le renforcement positif et les sciences du comportement, sont donc les bases de ma pratique et de ma philosophie sur le terrain.

SOMMAIRE
Chapitre 1 : Qu'est-ce qu'un collier de dressage ?
Un collier de dressage, aussi appelé collier électrique ou collier de stimulation, est un dispositif de contrôle du comportement canin utilisé dans le cadre de l'entraînement, en particulier pour les chiens de chasse ou pour corriger certains comportements indésirables. Bien que divers modèles existent, la majorité des colliers de dressage partagent un principe commun : ils émettent une stimulation, le plus souvent sous forme d’impulsions électriques, qui est censée corriger ou interrompre un comportement du chien.

Ce collier comporte généralement une télécommande et un récepteur. Le récepteur, fixé autour du cou du chien, est doté d’électrodes qui sont en contact direct avec la peau de l’animal. Lorsque l’utilisateur appuie sur un bouton de la télécommande, le collier émet une stimulation électrique à intensité variable selon le réglage choisi.
Les colliers modernes peuvent aussi inclure des options de vibrations ou de sons, qui sont généralement utilisés comme signaux d’avertissement.
Le collier envoie une décharge qui provoque une contraction musculaire rapide, entraînant un inconfort immédiat, voire de la douleur, pour le chien. L’intensité peut varier selon les appareils et le niveau choisi, mais même à basse intensité, le collier affecte le système nerveux en envoyant un signal de choc qui interrompt l’activité du chien.
À répétition, ces chocs influencent le cerveau du chien, générant des réponses de stress, d’angoisse, et des effets plus profonds encore.
Lorsque le chien reçoit un choc, son cerveau libère des hormones de stress, notamment le cortisol et l’adrénaline.
Une étude du Collège vétérinaire royal de l'Université de Londres montre que les chiens soumis à des stimulations électriques fréquentes développent un niveau de stress bien plus élevé que ceux entraînés sans ces dispositifs. Le stress chronique peut endommager le bien-être mental du chien, générant de l'anxiété, de la méfiance envers l'humain, et une incapacité à se détendre dans un environnement pourtant sûr.
Les chocs électriques peuvent également laisser des séquelles physiques. Des irritations et brûlures cutanées apparaissent souvent autour des zones de contact des électrodes. En cas d’exposition répétée, ces lésions peuvent même devenir chroniques, créant une sensibilité accrue de la zone et des douleurs persistantes.
Les connaissances modernes en sciences du comportement animal mettent en lumière que le renforcement positif est une approche plus éthique, saine, et efficace pour éduquer les chiens, même ceux ayant des comportements difficiles ou des instincts puissants comme les chiens de chasse. Des alternatives comme le rappel au sifflet, le travail en longe, ou les renforcements par récompense (friandises, jeux, encouragements) permettent de créer des apprentissages durables, sans infliger de souffrance ni d'inconfort.
À l'ère de la recherche en bien-être animal, le collier de dressage est de plus en plus questionné pour ses impacts négatifs sur la santé physique et mentale des chiens.
Chapitre 2 : Pourquoi utiliser le collier de dressage ? La réalité du terrain
Pour les chasseurs, le chien est un partenaire essentiel qui doit, pour des raisons de sécurité et d’efficacité, obéir de manière fiable dans des environnements complexes et variés.
Les chiens de chasse, issus de lignées sélectionnées pour leur flair, leur endurance et leurs instincts de poursuite, nécessitent un contrôle rigoureux. En pleine action, ils peuvent être confrontés à des situations dangereuses (routes, animaux sauvages), et les colliers de dressage sont souvent vus comme un moyen efficace lorsque le chien est à distance et exposé à de tels risques.
Ces dispositifs permettent au maître d'intervenir rapidement, de rappeler le chien ou de stopper une poursuite. Cependant, dans de nombreux cas, cela se fait au prix de la douleur et de la contrainte. Une étude du ministère de l'Agriculture britannique a par exemple montré que les colliers électriques peuvent causer des niveaux de stress élevés chez les chiens, avec des impacts émotionnels et comportementaux durables.
Chiens d’arrêt (ex. Braque, Setter) : Ces chiens sont entraînés à localiser et signaler la présence du gibier en adoptant une posture d’arrêt, immobile, sans poursuivre. Le collier est utilisé pour corriger des écarts où le chien peut rompre l'arrêt pour courir après le gibier, particulièrement en cas de forte stimulation visuelle ou olfactive.
Chiens de chasse en battue (ex. Beagle, Basset Hound) : Ces chiens suivent la piste du gibier sur de longues distances. Lorsqu’ils détectent l’odeur, leur instinct de poursuite peut les entraîner loin de leur maître et les mettre en danger. Le collier peut être employé pour interrompre cette course, forçant le chien à revenir.
Retrievers ou rapporteurs (ex. Labrador, Golden Retriever) : Leur rôle consiste à rapporter le gibier au sol une fois abattu par le chasseur, sans le mâcher ni le blesser. Bien que moins souvent utilisés avec des colliers de choc, certains chasseurs peuvent recourir à cette méthode pour empêcher un retriever de se précipiter prématurément après un tir.

L’instinct de prédation chez les chiens est un processus complexe, stimulé par une combinaison de signaux visuels, olfactifs et auditifs, et influencé par un réseau de circuits neuronaux dans le cerveau, notamment :
Activation des circuits de la dopamine : Lorsqu’un chien perçoit une proie, cela déclenche une libération de dopamine, un neurotransmetteur lié à la récompense et à la motivation. Cette libération crée un effet de plaisir anticipé, renforçant l’envie du chien de chasser.
Hormones du stress et de l'excitation : L’adrénaline et le cortisol sont souvent libérés pendant la poursuite, ce qui augmente l’énergie et la focalisation du chien. Ce cocktail hormonal intensifie la détermination à capturer la proie, rendant l’interruption de ce comportement particulièrement difficile une fois déclenché.
Système de récompense et renforcement : À chaque poursuite, même si elle n’aboutit pas, le système de récompense du chien est stimulé, ce qui renforce ce comportement. Le chien associe alors la traque à une satisfaction intrinsèque, rendant cet instinct naturel très difficile à inhiber. (Le plaisir personnel du chien est la meilleure récompense)
Le collier de dressage apparait alors comme un moyen de "choc puissant" pour interrompre ce cycle d’excitation intense. Lorsqu'un chien de chasse entre dans cet état de poursuite, le signal de rappel vocal de son maître peut ne pas suffire. La stimulation du collier envoie un signal physique que le chien perçoit comme prioritaire et inconfortable, provoquant une rupture dans le processus de traque.
Toutefois, bien que ce moyen soit perçu comme "efficace", il reste controversé car il provoque un conflit entre l’instinct naturel du chien et un conditionnement négatif, ce qui peut induire de la confusion et des réactions de peur ou d’évitement dans d'autres situations.
Chapitre 3 : Repenser les pratiques pour respecter le bien-être animal
L'étude menée par Emily Blackwell et Rachel Casey intitulée "The use of shock collars and their impact on the welfare of dogs: A review of the current literature", publiée en 2006 par le département de sciences vétérinaires cliniques de l'Université de Bristol, passe en revue les recherches disponibles sur les colliers de dressage à chocs électriques, analysant leur impact sur le bien-être des chiens et la pertinence de leur utilisation.

Résumé des points clés de l'étude
Impact sur le bien-être du chien : L’étude met en évidence les effets négatifs des colliers de choc sur le bien-être mental et physique des chiens. Elle souligne que les chocs provoquent une réaction de stress immédiat qui peut se prolonger, particulièrement lorsque le chien ne comprend pas clairement pourquoi il subit cette stimulation. La douleur et l’inconfort entraînent un accroissement des niveaux de cortisol, l'hormone du stress, ce qui peut induire un état de stress chronique chez les chiens soumis à des chocs répétés.
Répercussions comportementales et psychologiques : Les recherches compilées par Blackwell et Casey montrent que les chiens entraînés avec des colliers de choc peuvent développer des comportements indésirables, tels que l’agressivité ou la peur des personnes, des environnements, ou même de leurs maîtres. Ce type de conditionnement punitif peut générer des comportements de défense ou de soumission, affectant durablement la relation humain-chien.
Comparaison avec le renforcement positif : Blackwell et Casey suggèrent que les méthodes d’éducation utilisant des techniques de renforcement positif (récompenses et encouragements) sont non seulement plus sûres mais aussi plus efficaces sur le long terme. Elles permettent d’instaurer une relation de confiance et de collaboration entre le chien et son maître, plutôt qu'une relation basée sur la crainte de la punition.
Conclusions et recommandations : L'étude appelle à reconsidérer l’utilisation des colliers de choc, car les risques pour le bien-être du chien dépassent largement les bénéfices, d’autant que des méthodes alternatives existent. Blackwell et Casey encouragent les professionnels à adopter des pratiques de dressage basées sur les sciences du comportement et à éviter les techniques coercitives qui peuvent causer des dommages physiques et mentaux durables.
Cette revue de littérature a eu un impact important dans le domaine de l'éducation canine et a contribué à sensibiliser le public et les professionnels aux dangers des colliers de dressage. Les travaux de Blackwell et Casey sont souvent cités comme une référence dans le débat autour de l'éthique et de l'efficacité des colliers de choc, et ont soutenu les démarches pour restreindre ou interdire leur usage dans plusieurs pays.
Alors que l’éducation positive continue de se développer, il est possible et souhaitable de repenser l’éducation des chiens de chasse.
Les colliers de dressage, bien qu'encore largement utilisés, ne sont plus la seule solution pour garantir l’obéissance. Les techniques modernes, fondées sur des méthodes douces et sur les sciences comportementales, offrent des alternatives efficaces. Elles améliorent la relation entre l’homme et le chien, favorisent un meilleur bien-être animal, et permettent aux chiens de chasse, tout comme aux chiens de famille avec un fort instinct, d’exprimer leur nature sans contrainte ni douleur.
L’évolution des mentalités et des outils à disposition marque un tournant pour le bien-être des chiens, qu’ils soient au travail ou dans nos foyers.
Alternatives éducative : Pistes de solutions
Chiens d’arrêt (Braque, Setter)
Méthode : Le renforcement positif est une stratégie essentielle pour les chiens d’arrêt, où chaque comportement souhaité est renforcé. En répétant ces renforcements, les chiens apprennent à maîtriser l’arrêt sans céder à l’impulsion de poursuivre.
Exemple d’exercice : Faire un apprentissage du marquage (comportement qui indique la présence du gibier) par un renforcement positif mais surtout graduel, ils apprennent à maîtriser leur excitation.
On débute l'apprentissage avec un objet peux motivant (faux gibier ou rapporteur sans odeur au départ) L'objectif est que l'objet soit, au départ, moins intérressant que la demande de l'humain, afin que le marquage soit facile à tenir. Ce comportement est alors hautement récompensé ! Progressivement on augmente la difficulté avec un faux gibier fort en odeur, qui bouge, puis un vrai dans une caisse, puis libre mais peu agité et enfin finir sur un gibier qui bouge beaucoup.
Je partage une vidéo de Laure Hanouna, formatrice en détection et nosework qui a eu la gentillesse de me la partager pour illustrer l'apprentissage du "marqueur"
On voit le chien tenir la position tant qu'il n'a pas reçu le signal libérateur
Chiens courants (Beagle, Basset Hound)
Méthode : Les chiens courants peuvent être entraînés avec des jeux de piste contrôlés, leur permettant de satisfaire leur instinct de suivi d’odeur dans un environnement structuré.
Exemple d’exercice : Un jeu de pistage avec apprentissage progressif tout en développant le rappel.
L’entraînement au rappel par un signal clair, souvent un sifflet, est une technique efficace. Lorsque le chien répond au rappel, une récompense immédiate renforce son obéissance, même en présence de distractions.
En créant un conditionnement, le chien reviendra par réflexe. tout aussi efficace que le conditionnement au BIP du collier = Je vais me prendre une décharge, le SON du sifflet = Je vais recevoir quelques chose d'agréable.
Soyez juste pas radin sur la récompense, elle doit être extraordinaire !!!
Retrievers ou rapporteurs (Labrador, Golden Retriever)
Méthode : Lancer des objets (faux gibier) et encourager le chien à les ramener renforce naturellement son comportement de rapport sans excitation excessive ni course non contrôlée.
Exemple d’exercice :Travailler le "tu attend" est important, sur le même princiê que pour le maintiens de position du chien d'arrêt, mais en y rajoutant la recherche de l'objet lancé sur signal seulement. On travaille donc la discrimination. Le chien doit aller chercher le gibier uniquement sur un signal précis et non sur un mouvement de l'animal ou autre.
Tant qu'il y a un fort taux de récompense et donc de réussite, alors le comportement désiré sera ancré et très facile à garder sur la durée de vie du chien. Mais il est primordiale de lui apprendre et de respecter un rythme graduel d'évolution !
L'éducation consiste à apprendre et demande de la présence... chose sûrement difficile pour ceux qui ont un chien en enclos qu'il ne sorte que le dimanche pour la chasse.
Les comportements de chasse proviennent d’un instinct de prédation, un cycle naturel d'excitation dopaminergique qui s'ancre dans le cerveau canin. Lorsqu'on choisit des méthodes respectueuses pour gérer cet instinct, on permet au chien de canaliser son énergie sans ajouter de stress ou de douleur. Le renforcement positif ne crée pas de conflits internes, mais au contraire, renforce la relation de confiance et de collaboration avec le maître.
Chaque chien mérite un cadre de vie où ses comportements instinctifs sont respectés et gérés avec compassion. Lorsque nous choisissons d’adopter un chien, nous acceptons de le guider, de répondre à ses besoins et de lui offrir des opportunités d'apprentissage respectueuses de son bien-être. Ce choix est une responsabilité partagée, car notre animal est bien plus qu’un auxiliaire de chasse. C’est un compagnon de vie.
Dans certains cas, les méthodes positives peuvent sembler difficiles à mettre en œuvre. Un.e éducateur.ice ou comportementaliste professionnel.le peut offrir des solutions sur mesure, basées sur les dernières recherches en comportement animal. Leur expertise apporte souvent un éclairage précieux et des solutions créatives pour surmonter les défis liés à l’entraînement. L'apprentissage des autocontrôle chez le chien se faite durant la période de socialisation jusqu'à l'âge prépubaire, soit dans ses premiers mois de vie. Un déficit des autocontroles est observable durant cette période, c'est alors au travail de l'éleveur de réaliser une sélection de ses individus. Lorsque des comportements addictifs et/ou compulsifs apparaissent à l'âge adulte, il est difficile d'observer une amélioration spontanée.
En privilégiant des méthodes qui respectent le bien-être animal, nous honorons non seulement nos compagnons, mais également la qualité de notre relation avec eux.
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